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Emile Storck
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E jedes Volk hat d' Sproch wun às verdient,
un holt's fir si ke Kraft bi sine Dichter,
no wurd si teig un zitig zum Vergeh...
so wie ne Äpfel fült im Winterschnee.

Editorial 19 (22 novembre 2022)
 
Annonce de notre AG fixée au 3 décembre, en la salle Roland Wintzner du TAG. Invitation et programme, 
 
Récapitulation des actions et des événements (en ce 2e semestre 2022) :
a) Le samedi 2 juillet, l’association Heimetsproch un Tràdition a remis le Prix Charles Goldstein à Jean-Paul Sorg. Pour son engagement au service de la culture régionale, ses travaux d’histoire et de critique littéraire, en particulier ses traductions et commentaires de plusieurs œuvres d’Albert Schweitzer. Dans son discours de remerciement, tenu en grande partie en alsacien, le lauréat a exposé quelques réflexions sur la nature et la situation de la langue régionale. E Sproch schnüft in sinra Literàtür. Ma lehrt sa in dam àss me sa sprìcht un lìst un schribt un studiert / Une langue respire dans sa littérature. On l’apprend en la parlant, en la lisant, en l’écrivant et en l’étudiant. C’est là un principe pédagogique élémentaire, que des pratiques d’immersion dialectale dans des classes d’école maternelle ne doivent pas négliger par la suite. Emile Storck l’a dit avec éloquence dès 1957 dans son poème Sproch, souvent invoqué et qui nous sert ici d’emblème, mais on n’en a pas encore tiré toutes les conséquences pédagogiques pratiques… Une langue se meurt (se décompose), si son peuple ne puise pas des forces de régénération auprès de ses poètes… Justement !
b) Invitation à l’auberge du Bollenberg le vendredi 8 juillet, le soir, par un groupe de touristes allemands intéressés par la poésie et les traductions d’Emile Storck. Initiateur et organisateur : Pr Wolfram Golla, qui habite sur la rive droite du Rhin à Breisach-Niederrimsingen. Une vingtaine de convives bilingues, Herren und Damen, des docteurs, professeurs et ingénieurs. Il est intéressant de savoir que le nom d’Emile Storck et la poésie dialectale alsacienne ne leur étaient pas inconnus ou qu’ils s’en montraient curieux. Ceux qui venaient de régions non alémaniques d’Allemagne entendaient néanmoins et comprenaient, moyennant quelques explications ponctuelles, des poèmes comme Medio in vita, Auroraveegele ou une traduction de Verlaine Es hilt drin in mim Harz. Je leur ai parlé aussi des Deutsche Lieder eines französischen Europäers d’Alfred Kastler, prix Nobel de physique 1966, né à Guebwiller, dans la région du Bollenberg ! Ils découvraient. Une soirée réconfortante.
b) L’exposition Jean Egen « au-delà des tilleuls » à Colmar en septembre. Voir plus bas l’édito 17. Le jour de l’inauguration, le 27 août, discours de Mme Evelyne Tibloux-Egensperger. Lire la version intégrale ici dans rubrique Jean Egen, ainsi que l’article consacré à l’événement, paru dans L’Ami-Hebdo, le 25/9/2022.

c) Présence du Cercle à la Journée Forum des Associations organisée par la municipalité de 
Guebwiller le dimanche 4 septembre. Le stand était veillé par nos deux secrétaires, 
Daniel Haering et Claude Diringer, et par le président. Nous avons annoncé la Promenade 
littéraire dans le cadre de la Journée européenne du patrimoine, le dimanche 18 septembre, 
et pu prendre de nouveaux contacts. Nous en avons déjà parlé et nous y reviendrons.

d) La veille, samedi, au réfectoire de l’église des Dominicains, a été présenté 
solennellement l’ouvrage, commandité par la municipalité, Guebwiller, une histoire 
(Médiapop éditions). Un album soigneusement documenté et délicatement illustré et mis en pages. 
Le patrimoine littéraire de la ville ne manque pas dans le récit de cette histoire. 
De l’abbé Charles Braun à… Emile Storck. Deux poèmes figurent en pleine page, avec la traduction. Kleine Stadt (Petite ville), p. 105, d’Ernst Stadler (1883-1914), poète strasbourgeois-européen, un des fondateurs de la nouvelle poésie allemande expressionniste avec son œuvre majeure, Der Aufbruch (janvier 1914). Il s’était rendu plusieurs fois à Guebwiller et y avait découvert une « petite ville » à la fois industrielle, ouvrière, et viticole. Son frère, Herbert, y fut Kreisdirektor (sous-préfet) de 1913 à 1917.
Le deuxième poème de « paysage urbain » retenu, p. 133, est Schnee am Owe (Neige le soir) d’Emile Storck, extrait de Lieder vu Sunne un SchatteEs schnèit. / In fine Fàde un Stràhne / kèit / der Schnee iw’rem schwarze Trottoir àne. Ici il nous faut bien signaler une malheureuse coquille dans la 2e strophe. Il ne faut pas lire In Schnee, mais Im Schnee / sim Risle gsiht mer d’Latàrne / steh… Et, quitte à paraître insupportablement pointilleux, nous regrettons que l’intervalle entre les strophes n’ait pas été assez marqué. Autrement, tout est parfait et intéressant, dans ce très beau livre !


Editorial 18 (12 septembre 2022)
 
Les journées européennes du patrimoine (les 17 et18 septembre) nous ont donné l’occasion de proposer une promenade littéraire guidée dans les rues de Guebwiller.
Sur les pas des auteurs qui sont nés dans cette ville et y ont vécu un certain temps, à une époque où l’Alsace changea plusieurs fois de nationalité par la force de l’histoire.
Départ dimanche le 18 septembre à 14h30, rue Abbé Braun. Auteur du remarquable ouvrage, paru en 1866, Les légendes du Florival ou La mythologie allemande dans une vallée d’AlsaceVoir ici rubrique Abbé Charles Braun. Ouvrage heureusement réimprimé en 2001, éditions Nolin, et ainsi disponible, avec une préface de Francis Gueth et une introduction et postface de Gérard Leser. Ce que l’on sait moins, c’est que cet abbé de Guebwiller fonda en 1848, pendant la période révolutionnaire, un journal Der Katholische Volksfreund, qui existe toujours sous le titre L’Ami-Hebdo où nous nous avons pu faire paraître récemment des articles sur Emile Storck, Alfred Kastler, Jean Egen.
De la rue Abbé Braun, nous irons rue de la République, où nous nous arrêterons devant la maison natale de Jean Schlumberger (1877-1968), l’écrivain, fondateur à Paris de la nrf avec André Gide. Il a décrit sa jeunesse à Guebwiller jusqu’en 1892. Lire sa biographie Eveils, 1950, analysée ici sur le site.
A l’arrière de la Place St-léger, les maisons natales jumelées de Jean-Baptiste Weckerlin et de Pierre Bucher. De l’autre côté de l’église, l’Ecole Emile Storck. Pourquoi ce nom ? Cf. ici sous Eléments biographiques : « Dénomination Ecole Emile Storck », les explications d’un ancien instituteur de cette école, Maurice Emmencker.
Dans le bas de la ville, maison natale de Marguerite Gable-Senné, rue de la gare ; celle d’Emile et de Joseph Storck, rue des Arquebusiers ; celle d’Alfred Kastler, attenante au presbytère du temple protestant.
Au Parc de la Neuenbourg, nous imaginerons le professeur Emile Storck, agrégé d’allemand, qui s’y promenait après ses cours à l’Ecole Normale des jeunes filles donnés dans les salles du… Château.
A 17h, conférence et lectures, avec traductions commentées de l’alsacien en français, par Jean-Paul Sorg, qui montrera ce que l’on peut reconnaître de « la Région de Guebwiller » (pour faire  allusion à une parution récente) dans plusieurs poèmes et dans deux pièces dramatiques de l’écrivain Emile Storck, Der Goldig Wage (le lieu de la légende est le lac du Ballon)  et Maidle wiss im Felsetal (l’action se passe dans une ferme auberge, dans le haut Florival).

Editorial 17 (23 août 2022)
 
On va vers la fin août, l’été décline. Un nit wohr mer merkt scho um sich ume / e langsam un lislig Vergeh… (« L’on sent déjà autour de soi / comme en sourdine un lent déclin… » traduction Edgar Zeidler)
Soulagement presque. Car l’été fut particulièrement violent cette année, enflammé et sec. Une succession de canicules. Hundstag ! Der Pan hat in de Sunneresser / e Gschirr vu Flamme iwergschnallt (« Pan a passé un harnais / de flammes aux chevaux du soleil… » traduction Richard Ledermann)
On sait : le dérèglement climatique ! Tout le monde a constaté la chute dramatique de la population des papillons. Les cinq poèmes qu’Emile Storck a écrits il y a 65 ans (Melodie uf der Panfleet, 1957) sur Cyaniris, Tagpfauiauig (Paon du jour), Trürmantel (Vulcains,), Auroraveegele 1 et 2, et ses chroniques dans le Bulletin de la Société entomologique de Mulhouse, entre 1937 et 1947, sont de l’histoire, sont du passé ! Ils nous rappellent ce qui a disparu.
De même « le ballet des libellules ». On en surprend de moins en moins. Dàs Tànze vu de Libelle !
Trêve de mélancolie, fin août on prépare la rentrée. 3 annonces.
1) Exposition Jean Egen à Colmar, Pôle Media Culture Edmond Gerrer, 1 place de la Montagne Verte, du 27 août (inauguration à 11h, voir le carton d’invitation) au 1er octobre.
Conférence discussion sur le film, « Les Tilleuls de Lautenbach », par son réalisateur Bernard Saint-Jacques et Lucas Bléger, comédien. Le samedi 6 septembre, 14h 30.
Conférence-lectures : Jean Egen, l’homme tendre et l’homme révolté, par Jean-Paul Sorg et Martin Adamiec, le mardi 6 septembre, 18h 30.
Toujours au PMC, auditorium. Entrée libre. Voir ici documents sous Jean Egen.
2) Stand Emile Storck au Forum des Associations, le dimanche 4 septembre, Centre sportif du Florival, de 10h à 17h30. Entrée libre. Voir flyer  sous 2002. C’est une occasion de nous rencontrer et de découvrir nos productions littéraires.
3) Dimanche 18 septembre. Journée Européenne du Patrimoine.
A cette occasion le Cercle organise une Promenade littéraire à travers les rues de Guebwiller. Départ à 14h 30, haut de la ville, place Bourcart, à l’angle de la rue Abbé Braun. En marchant, nous passerons devant les maisons natales de Jean Schlumberger, écrivain, de Jean-Baptiste Weckerlin et Pierre Bucher, de Marguerite Gable, Emile Storck et Alfred Kastler. Présentation sur place des auteurs.
Arrivée vers 16 h au château de la Neuenbourg et son parc. Quand le Château abritait l’Ecole Normale de jeunes filles, le professeur agrégé d’allemand Emile Storck, y enseigna, de 1951 à 1962. Dans la salle de l’auditorium, 16h 30, conférence de Jean-Paul Sorg et lectures sur le thème : « La région de Guebwiller » dans l’œuvre poétique d’Emile Storck.
En croisement, bien sûr, avec l’ouvrage La région de Guebwiller loin des clichés réalisé par Mme Cécile Modanese, docteur en Histoire contemporaine, responsable du Pôle culturel et touristique de la Neuenbourg et du service Pays d’art et d’histoire de Guebwiller.
Au cours de cette promenade et avec la conférence-causerie-lectures, nous verrons un peu ce que la littérature nous dit de la ville, de son histoire et de son caractère.
(Des précisions sur le déroulement de la journée vous seront encore communiquées une semaine avant par la presse et par une lettre du Cercle à ses membres et sympathisants.)
Un + ici : Sous Mulhouse, âme et esprit, découvrir encore un poète singulier, Paul Drumm (1976-1960).

Editorial 16 (22 mars 2022)
 
Mars : l’antique (éternel) dieu de la guerre et le mois du printemps. A la guerre opposer la poésie et la parabole de l’amandier. « Mon frère l’amandier, parle-moi de Dieu. – Et l’amandier s’est couvert de fleurs » (Nikos Kazantzaki, Lettre au Greco).

Chez nous, dans le vignoble, à flanc de coteau, les amandiers fleurissent à la mi-mars. Emile Storck est 
encore sorti de la ville tard le soir et il a vu « à l’orée du bois tressée de fils d’or un petit arbre tout en rose 
qui explosait de milliers de fleurs ». Un wun ich noch üse bin geschtert spoot, / do isch am 
goldiwerspannte / Waldrand e Bàimle im Roserot / vu toisig Bliemle gstande 
(Lieder vu Sunne un Schàtte, März, et Par les fossés et les haies). Ce petit arbre – das Baimle – 
était l’amandier solitaire que l’on repérait de loin sur une hauteur du vignoble de Guebwiller. 
Il signalait en avance la venue du printemps.


Rendez-vous samedi le 2 avril à 14h 30, place de la mairie de Soultzmatt, au pied du vignoble (Zinnkoepfle). Découverte du sentier des poètes. Entdeckung auf dem Dichterweg. Lecture des poèmes en alsacien et en français. Animation musicale. Dégustation (Weinprobe) des vins du Zinnkoepflé et de la vallée noble. Une manifestation soutenue par la commune de Soultzmatt et Frieihjohr fer unseri Sproch.
Pièce jointe (affichette, Flugblatt) sous 2022.
Découvrir aussi, sous Nathan Katz, les souvenirs et une photo de Sylvie Reff qui avait rencontré le poète à Mulhouse en 1970.
La création des fêtes Frieihjohr fer unseri Sproch veut depuis 20 ans stimuler le désir d’Alsace et un désir d’alsacien. Rheinblick, le supplément hebdomadaire des quotidiens L’Alsace et DNA, titre aujourd’hui même : Regionalsprache : Neue Lust wecken. Et en page intérieure, un entretien avec Nicolas Matt, vice-président de la CEA chargé de la question du bilinguisme : Jugend als Motor für Zweisprachigkeit. En exergue : Bei den Jugendlichen muss der Appetit auf das Erlernen dieser Sprache geweckt werden und gleichzeitig bei den Älteren der Wunsch, sie weiterzugeben.
Vaste et noble programme! Les méthodes et les moyens sont divers. Il faut s’entendre et s’unir. Pour notre part, ici, nous proposons les voies du théâtre – se reporter à l’éditorial 15 – et de la poésie. Lire sous 2022 « Présentation et étude comparative de deux poèmes : Schnee de Nathan Katz et Schnee am Owe d’Emile Storck. Multiplions les exemples et les… actions.


Editorial 15 (7 mars 2022)
 
Crises et drames, avec les pires menaces, ne nous lâchent pas. Une pandémie mondiale nous a frappés et bloqués pendant deux ans. A peine semble-t-elle se résorber qu’une guerre épouvantable se déclenche, dont nul ne peut imaginer le terme. La menace d’une destruction nucléaire a été agitée. Fatalité de l’atome qui saute sur le chemin de l’humanité. Le poète (Emile Storck) l’avait dit (Dunkli Wihnachte, Lieder vu Sunne un Schatte, 1962) :
           ‘S Atom springt iwrem Menschewag
Notre modeste chemin ici est de continuer à pratiquer l’humanisme. Nous pouvons le faire localement en cultivant nos « humanités régionales », en lisant et en faisant connaître « nos » grands poètes dialectaux, qui ne sont pas moins universels en profondeur que d’autres à audience nationale et même supranationale. Nous apprenons dans leurs œuvres ce qu’est la nature humaine et des aspects de la condition humaine par temps de bonheur et, plus souvent, de malheurs.
Nous remercions les Amis de la Bibliothèque de Colmar de nous avoir donné la chance d’une conférence sur « Emile Storck et Nathan Katz, deux tempéraments poétiques »,  le samedi 12 mars, 16h, au Pôle Média Culture (PMC) Edmond Gerrer de Colmar.
Voir affiche et texte sous 2022.
Et un article « Idées pour un Conservatoire régional du théâtre alsacien ». Pour concrétiser ces idées, nous avons pris des contacts avec des responsables culturels et politiques de la CEA. Nous espérons des suites…
Découvrez aussi sous 2022 le nouvel état de notre Anthologie portative des poètes du Florival. Toujours à compléter, en vue d’un sentier des poètes dans notre ville et dans la vallée.
Sous Entomologie, un texte inédit en français : Un congrès lépidoptérologique au ciel. Etonnant, désopilant  sketch pour revue. Avis aux troupes !
Œuvre épistolaire : présentation de la correspondance entre Nathan Katz et Emile Storck et la correspondance avec Mme Yvonne Gunkel, actrice.
Voilà les premières nouveautés de cette année. Bientôt la tradition du Frieihjohr fer unsri Sproch. Notez: promenade sur le sentier des poètes de Soultzmatt, le 2 avril, 14h30. Une invitation détaillée vous sera envoyée, par un nouveau courriel et le site.



Chaque peuple n'a que la langue qu'il mérite,
et s'il ne puise pas des forces chez ses poètes,
elle deviendra blette, bonne pour disparaître,
pareille à une pomme qui pourrit dans la neige.


Émile Storck, (Melodie uf der Panfleet)
fleurs d'amandier Y. Gross
Photo Yves Gross
Stand Cercle E Storck le 4.9.2022
Photo Claude Diringer
Editorial 21 (30 juin 2023)
 
Presque 40 jours sans pluie, comme dans le désert de la Bible. De mi-mai au 18 juin. Ciel immuablement bleu. Juste, parfois, quelques maigres nuages très haut, dont on voit qu’ils sont stériles. Les heures, les jours se suivent et se ressemblent. Ensoleillement « andalou ». La terre du jardin sèche et dure, impossible à travailler. La météo répète chaque jour : « Beau temps ». Une notion tout à fait partiale, à destination des touristes et des promeneurs. Pas des jardiniers et des agriculteurs !
 
Poésie et météorologie
L’originalité poétique d’Emile Storck, lorsqu’il décrit les choses, les phénomènes (de la nature), est de les montrer dans un moment particulier du temps qu’il fait, dans une atmosphère, donc une lumière, qui change. En lisant des poètes comme lui et d’autres de sa génération, comme Nathan Katz notamment ou Raymond Buchert, nous mesurons mieux par contraste les inquiétants bouleversements climatiques qui sont enclenchés depuis une quinzaine d’années et causent déjà d’énormes problèmes. « De Pékin à Berlin, le mois de juin a été bien trop chaud » (Libération). « On a enregistré en Alsace le plus chaud mois de juin » (L’Alsace).
Années 1950, on connaissait des mois de juin humides (normaux !). Dans Nasser Juni / Juin humide, en quatre strophes de cinq vers (rimes disposées a b a a b), comprenant cinq phrases (dont la 2e s’étend sur 8 vers), le poète (du Florival) rapporte – raconte - quelques phénomènes que nous ne retrouvons plus au présent : derniers appels lointains d’un coucou qui s’est retiré dans les bois, frondaisons mouillées, bourrasques de fleurs d’acacia qui recouvrent les cours d’eau comme d’un Lieweherrgottsteppich (dais ou tapis de bon Dieu), nuages de parfum des chèvrefeuilles répandus sur les haies, lourd nuage noir à l’horizon au-dessus de la montagne. On attend l’orage.
Version intégrale du poème, extrait de Melodie uf der Panfleet, et de sa fluide traduction, par le poète Albert Strickler, dans Par les fossés et les haies et ici sur le site (Œuvre poétique et traductions). Pour mise en appétit, voici la dernière strophe :
 
Un ‘s Buschwàrk fangt a flamme un a zinde,
e Sunnestrahl geht durch der Wald im Putz.
Scho dunkelt’s wider in de Bàrge hinte,
e schwàri Wulk kummt schnàll mit grauie Binde,
un in de Blätter rüscht der Ràgeschutz.
           
Les massifs de buissons s’embrasent et brillent encore,
quand un rayon de soleil passe à travers la forêt lavée.
Mais déjà l’obscurité revient de derrière les montagnes,
un lourd nuage bordé de gris avance rapidement
et une ondée s’abat qui fait bruisser le feuillage.
 
 
Document biographique
Dans la perspective toujours ouverte d’un ouvrage de biographie croisée sur les deux frères, Joseph et Emile, nous ajoutons l’analyse d’un document qui se rapporte à une phase de leurs études universitaires. Pour sans doute préparer une épreuve de psychopédagogie, qui faisait partie des épreuves de l’agrégation, ils ont « potassé » le Précis de psychologie du philosophe américain William James (1842-1910), fondateur du « Pragmatisme » et reconnu alors aussi comme le fondateur d’une psychologie scientifique.
Le Dr. Daniel Storck, fils de Joseph et neveu d’Emile, a trouvé dans la bibliothèque familiale les deux exemplaires dont les deux candidats se sont servis. A partir de leurs annotations en marge, il a tenté de comparer la personnalité de l’un et de l’autre. A lire sous « Les deux frères (éléments biographiques) ».
 
Carl Spitteler, poète lyrique
Nous connaissions l’existence de cet ouvrage d’Emile Storck, un travail universitaire consacré à l’œuvre poétique de l’écrivain suisse Carl Spitteler, mais nous ne l’avions pas sous la main. Un exemplaire de 130 pages, tapées à la machine, a été retrouvé dans les archives du Cercle. Daniel Haering, secrétaire de notre association et historien passionné, a scanné les pages et les a préparées, au format 27,7 x 19,5, pour l’imprimeur (la librairie Richard de Guebwiller). 10 exemplaires ont été imprimés. Prix de revient d’un exemplaire : 15€. Il en reste quatre. Les notes en bas de page ont été écrites par l’auteur à la main d’une écriture très fine. C’est un ouvrage qui a un intérêt historique en soi (un des rares consacrés en français à cet écrivain suisse) et un intérêt pour la connaissance de la poésie même d’Emile Storck.
Carl Spitteler : 1845 – 1924. Né à Liestal (canton Bâle-Campagne, voisin du Sundgau). Décédé à Lucerne. Prix Nobel de littérature 1919. Un poète lyrique, épique et dramatique, un romancier (Imago, 1906) et conteur (Hund und Katze), et un essayiste (feuilletoniste dans plusieurs journaux, dont surtout Kunstwart et la Neue Zürcher Zeitung). Poète exigeant et secret, travaillant les mythes, Prometheus und Epimetheus (1881), il est apparu sur la scène européenne et a fait parler de lui en décembre 1914 en publiant Unser Schweizer Standpunkt (« Notre point de vue suisse »), qui appelait à la fois à l’unité intérieure de son pays entre Romands et Alamans et à sa neutralité durant la guerre : Ni République française ni Empire allemand. « Au principe des nationalités, il oppose celui d’Etats librement unis et harmonisant leurs civilisations ». L’idéal européen jusqu’à nos jours !
Romain Rolland le salue comme un grand humaniste qui a le courage du pacifisme, il le cite 31 fois dans son Journal de guerre 1914-1919 et il appuiera sa candidature pour le prix Nobel.
Mais ce n’est pas à ces considérations politiques que peut s’arrêter Emile Storck dans un travail universitaire. Il s’est concentré sur son sujet : l’art lyrique. Chose troublante pour le lecteur d’aujourd’hui qui connaît le parcours de sa vie et son œuvre littéraire propre. Ses analyses fouillées de l’écriture de Spitteler, ses considérations sur son « lyrisme visuel », qui doit gagner en précision, et ses réflexions théoriques sur la condition et la mission du poète paraissent s’appliquer en partie à sa propre œuvre, lyrique et dramatique, et la caractériser. Alors qu’à ce moment, années trente, il avait résolu de renoncer à tout travail littéraire personnel, c’est comme s’il anticipait sur sa créativité future, qu’il déploiera à son retour en Alsace, années cinquante et soixante. Une similitude frappante, qu’il faudrait avoir les moyens d’examiner de près : Spitteler, auteur d’un recueil, Schmetterlinge, Gedichte (1921), et Storck apparaissent l’un et l’autre comme de remarquables observateurs et poètes des papillons.
L’instituteur et étudiant en lettres Emile Storck a présenté son travail sur Carl Spitteler pour un Diplôme d’études supérieures de langues et littératures étrangères vivantes le 23 janvier 1931, à l’université de Strasbourg. Il obtient la mention assez-bien ! Professeur certifié, exerçant à l’école primaire supérieure de Mulhouse, il réussira les épreuves de l’agrégation, dans l’ordre des langues vivantes – allemand, en juillet 1935 et fera alors carrière dans l’enseignement secondaire, au lycée de Lons-le-Saunier de 1936 à 1946, ensuite au lycée de Digne jusqu’à sa nomination à l’Ecole Normale de jeunes filles de Guebwiller en 1951.
Carl Spitteler est un écrivain bien oublié aujourd’hui, même en Suisse, et complètement méconnu. L’occasion de le découvrir à travers le mémoire que lui a consacré Emile Storck est d’autant plus précieuse et a du sens. La vie ménage des surprises et des révisions. Il y a quelques semaines, à un café philo, dans le Sundgau, où il était question d’Albert Schweitzer, prix Nobel de la paix, un monsieur est intervenu, Dr. Mosser, qui a jeté dans les débats l’exemple de Carl Spitteler, poète et penseur dont l’éthique apparaît de la même tenue que celle de Schweitzer. Respect de la vie et des libertés. C’est cela, ce hasard d’une rencontre, qui m’a fait souvenir du texte d’Emile Storck et m’a incité à le rendre accessible.
Martine Blanché, vice-présidente de notre Cercle, auteur d’une thèse sur l’œuvre dramatique d’Emile Storck, soutenue en 1997, imprimée en 2019 (éditions Jérôme Do Bentzinger, Colmar), prépare une recension de cet ouvrage jusque-là inédit, pour publication dans la RAL (Revue Alsacienne de Littérature) et sur… notre site.
A découvrir les deux premières pages du Mémoire sur Carl Spitteler, poète lyrique sous E. Storck Bio-et bibliographie 

Annonces
 
1. Samedi 16 septembre. Journée européenne du patrimoine. Pour un hommage à l’historien du patrimoine et artiste Charles Wetterwald (1871-1972), qu’Emile Storck connaissait bien, le Cercle donne rendez-vous à 15h 30 devant le Graethof, 7 rue des Remparts, centre ville Guebwiller, derrière les cinémas. De là promenade historique guidée à travers la ville jusqu’au Musée du Florival (aujourd’hui Théodore Deck), dont Ch. Wetterwald a été le fondateur en 1933. Causerie et présentation de documents. Détails sur le programme des deux journées et dans la presse.
2. Jeudi 9 novembre. 50e anniversaire de la mort d’Emile Storck. Présentation et lectures d’un choix de ses œuvres par des acteurs (et actrices) du Théâtre Alsacien de Guebwiller à l’amphithéâtre du Château de la Neuenbourg. L’horaire et les conditions seront indiqués ici et dans la presse ultérieurement, ainsi que sur le site du Théâtre : www.tag-etg.com
Le dimanche 3 septembre, au forum des associations de Guebwiller, le TAG tiendra un stand (10h – 18h). Des ouvrages d’Emile Storck et de Nathan Katz y seront exposés.


Editorial 20 (7 février 2023)
 
Le compte-rendu de notre assemblée générale ordinaire du samedi 3 décembre 2022 a été adressé encore l’an dernier aux membres du Cercle. Le voici archivé sous 2022.
Le point essentiel est d’assurer, par-delà ce qui pourra arriver au Cercle, la pérennité de l’œuvre d’Emile Storck, dont nous avons ici peu à peu découvert l’extraordinaire richesse et son importance dans une histoire de la littérature alsacienne. Les institutions des associations et les associations elles-mêmes sont éphémères. Le temps de l’œuvre spirituelle accomplie les dépasse. De sorte que nous la disons « éternelle », ou transcendante, hors de nos comptages. Anestelle müesch’s im Sunnekleid, wie wenn dü ‘s schaffe wottsch fir d’Ewigkeit. Cf. Prolog, Lieder vu Sunne un Schàtte, An e junge Dichter.
L’impératif est donc que soient mises en sûreté les archives nombreuses, recueillies par le Dr Daniel Storck, neveu de l’écrivain. C’est un grand travail qui devra être idéalement réalisé dans les mois qui viennent. Lire en particulier dans le compte rendu « Constitution et dépôt des archives ».
Le président avait dit dans l’introduction à l’assemblée générale que ces deux dernières années aucun décès ne fut à déplorer parmi les membres du Cercle. Mais voici que ce 23 janvier est décédée Mme Eve Gissinger, à l’âge de 92 ans. Nous la gardons dans notre mémoire. Une figure de la vie associative et culturelle de Guebwiller. Professeur d’allemand au Lycée Alfred Kastler. Elle a fait partie des membres fondateurs du Cercle en 2000. Elle en fut, en sa qualité de germaniste, une conseillère précieuse. Elle connaissait à fond l’histoire de la littérature alsacienne et l’histoire de sa région. Toujours lucide. Toujours sceptique, parfois railleuse. Elle répétait : Mir rüedra gega d’r Strom. Nous ramons contre le courant. Cela ne l’empêcha pas de rester active, militante, aussi longtemps que ses forces le permettaient. Nous regrettons de ne pas avoir recueilli les souvenirs qu’elle pouvait avoir d’Emile et aussi de Joseph Storck.
Les témoins se font rares et ne parlent pas spontanément. Restent les archives, qui renferment de l’inédit. Voici deux surprises à… ouvrir. Deux traductions : l’une d’un poème de Baudelaire, « Le guignon », l’autre d’un poème de Verlaine, « En sourdine ». A découvrir sous Œuvre poétique et traductions.
En attendant plus… Même si elle n’est pas très abondante, la correspondance d’Emile Storck avec des amis, des collègues écrivains, des éditeurs, des journalistes, des historiens, est du plus grand intérêt pour la connaissance de la vie littéraire des années 1950 à 1970. Un grand chantier va s’ouvrir avec les archives. Des ouvriers viendront.
Editorial 22 (31 décembre 2023)
 
Nous voici pivotant sur le seuil de l’an 2024.
 
Der Stundehammer kèit so schwàr :
e Johr wurd bol bi andre si! 
Mir kumme üs em Dunkle hàr
un lauife gege ‚s Dunkle hi.
 
(Le marteau des heures tombe lourdement : / une année entre dans le passé. / Nous sortons de l’obscurité / et nous marchons vers l’obscurité.)
 Aussi sombres peuvent être certains vers d’Emile Storck. Du noir au noir. D’un néant à l’autre. Le poète ténébreux a raison : le passé s’estompe et l’avenir est dans les nuées. Nous avons pourtant sur nous quelques lumières. Nous éclairons des pistes pour avancer, franchir des lignes.
Que nous sera-t-il donné de réaliser l’an prochain que nous n’avons pas pu mener à bien l’année écoulée ? Espoir et vœu : essentiellement mettre en sécurité (aux Archives départementales) l’héritage spirituel le plus complet possible de l’écrivain et du professeur Emile Storck, qui a une place importante dans l’histoire littéraire et linguistique de l’Alsace. Linguistique ? Nous voulons dire que son œuvre pédagogique (deux manuels de cours pratique d’allemand, Alltag und Sonntag, 1953, et Lebensfreude, 1962), qui était un engagement, marque un moment significatif (critique) de l’histoire des « luttes linguistiques » (selon la notion appliquée par Eugène Phillips) en Alsace. De son poste de professeur d’Ecole Normale, il s’est soucié dès les années 1950 d’un apprentissage approprié et adapté de l’allemand dans les classes de fin d’études primaires et les classes de débutants dans l’enseignement secondaire, dont les programmes officiels ne prenaient en compte ni les besoins ni les capacités. Ces cours étaient conçus pour « des élèves sachant l’alsacien ». Il anticipait la réforme Holderith, qui sera essayée trop tard (1972) et sans assez de conviction.
Sur un autre créneau, mais proche, se tenait son frère Joseph, né en 1897, professeur agrégé d’allemand lui aussi et inspecteur d’académie à Colmar de 1944 à 1962. Il a eu l’idée et donné l’impulsion d’ouvrir une Ecole Normale d’institutrices à Guebwiller. Elle lui paraissait nécessaire au développement de l’éducation publique après la guerre. Dans le même esprit d’un développement et d’une diversification de l’offre de l’éducation nationale, il réussit à convaincre les autorités de fonder à Guebwiller un Collège d’enseignement technique, qui deviendra le renommé Lycée Hôtelier Joseph Storck.
Une documentation sur sa vie (les deux guerres, des actions de résistance à Limoges) et sa carrière à Colmar et à Guebwiller, dont il deviendra maire en 1971, sera également conservée aux Archives. Les vies croisées des deux frères, voilà un beau sujet de mémoire, et même de thèse, pour des étudiants de lettres et d’histoire.
La double documentation est rassemblée et pourra être classifiée, grâce au patient labeur du Dr Daniel Storck, fils de Joseph et neveu d’Emile. Les nécessaires démarches administratives ont été entreprises. Les choses sont en route. Il reste à les mener à bonne fin. Horizon 2014. Que l’espoir soit volonté.
 
So mecht uns doch der gietig Gott
Geduld fir noch zwelf Monet gà.
Un was er sunscht noch mache wott
soll alles noh sim Will gschàh;
 
(Que le bon Dieu veuille donc nous donner /  l’endurance nécessaire pour encore douze mois. / Et que ce qu’il veut accomplir en outre / se fasse entièrement selon Sa volonté.)
 
Récapitulation des participations du Cercle au 2e semestre 2023
Le 16 septembre, Journée européenne du patrimoine : Nous avons choisi de rappeler des moments et des œuvres de la vie de l’artiste peintre décorateur et historien Charles Wetterwald (1871-1972). Lire le compte rendu
 
Dimanche matin 8 octobre, au « Dorfhüs » de Linthal, assemblée générale de l’association S Lindeblätt, société d’histoire du Haut-Florival. Dans le dernier n° du bulletin de l’association S Blättla, n° 56, parution d’un article « Le chanoine Charles Haaby et sa cousine Lina Ritter ». Lire sous Lina Ritter, rencontres ou la version dans S'Blättla
 
Samedi 4 novembre au Théâtre Municipal Paul Frick. Soirée d’hommage à Emile Storck, pour le 50e anniversaire de son décès le 9 novembre. Lecture de poèmes par des actrices et acteurs, avec accompagnement visuel et musical. Conception et mise en scène Jean-Michel Clavey. Présentation Jean-Paul Sorg. Lire sous Soirée Emile Storck au TAG   Voir le Programme 
 
Jeudi 9 novembre. Recueillement devant la tombe d’Emile Storck au cimetière de Guebwiller et dépôt d’un arrangement de fleurs et de branches de sapin. Photo.
 
Impression, à partir d’une copie originale, de 15 exemplaires du Mémoire d’Emile Storck consacré à « Spitteler, poète lyrique » et présenté à l’Université de Strasbourg en 1931. Voir déjà une présentation plus haut, dans notre éditorial 21 (juin 2023). Et découvrir l’article que Martine Blanché a publié sur cet essai dans la Revue Alsacienne de Littérature, n° 140, 2e semestre 2023 et qui est ici reproduit. Lire Martine Blanché
 
Aux publications de l’année nous ajoutons la copie d’une étude splendidement illustrée, Le Codex de la route vers Manegold, parue dans le Bulletin de la Société d’histoire et du musée du Florival à Guebwiller, 2022-2023. Il s’agit de Manegold de Lautenbach (v. 1031-1103), qui défendit la cause du pape contre l’empereur dans la querelle des investitures qui déchira le 11e siècle. Le texte de Martine Hiebel, agrégée de grammaire, a pour motif une conférence qu’elle donna à la Neuenbourg en novembre 2022. Lire Martine Hiebel
 
Deuils. Trois de nos membres ont quitté ce monde il y a peu. André Bingert, décédé à Guebwiller le 11 décembre à l’âge de 96 ans. Il a fait partie des fondateurs du Cercle. De bon conseil toujours aux assemblées générales. Une personnalité attachante, un témoin. Carrière dans l’enseignement, ensuite dans les assurances. Engagement municipal. Il a été maire de Guebwiller de 1973 à 1977. Le successeur en 1973 de… Joseph Storck ! Il nous était lié par là aussi et toute sa culture religieuse et humaniste. Il fréquentait le Bibelkreis de Raymond Kauffmann et s’intéressait aux possibilités – et aux difficultés – de traduire La Bible en alsacien.
Deux jours après, le 13 décembre, mourait à l’âge de 88 ans Gérard Hesse. Nous l’avons appris sous Nécrologie Soultz (où il était né en 1935) et Jungholtz (où il habitait). Technicien aux Mines de Potasse. Dessinateur et peintre passionné, organisateur d’expositions et de salons. Membre du Cercle Emile Storck. Lecteur attentif, il avait signalé un gros contresens dans une traduction du poème In dare Zit / En ces instants (Cf. Par les fossés et les haies, p. 74). Glimmer a le sens précis, en minéralogie de mica, et non le sens de brillance ou de lueurs.
Le 8 novembre, nous avons appris dans la stupéfaction que l’ami poète Albert Strickler est décédé la veille à l’hôpital Pasteur de Colmar où il avait été transporté d’urgence. Il avait 68 ans. Admirateur de l’œuvre poétique d’Emile Storck, il fut l’un quatre traducteurs lauréats qui ont composé Par les fossés et les haies, Prix Nathan Katz du Patrimoine 2012. A ce titre particulier et plus généralement pour l’ensemble de son œuvre littéraire, nous lui rendons hommage. Lire SesenheimAlbert Strickler par Jean-Paul Sorg

 
Organisation. Situation du Cercle.
L’Assemblée Générale de l’année qui aurait dû se tenir début décembre a été différée, suite aux problèmes de santé du président. Une réunion du comité est prévue au printemps, qui fixera une date en juin. A cette prochaine assemblée générale se posera la question d’un renouvellement du comité, avec choix d’un nouveau président. En jeu sera l’avenir du Cercle et de son site.
Sous Association Statut, voir le bulletin d’adhésion ou de renouvellement de la cotisation. Merci de votre soutien, qui est nécessaire.
Editorial 23 (14 juin 2024)
 
 
Juin humide / Nasser Juni
S Watter folgt is nim ! Le temps ne nous obéit plus, ne nous a jamais obéi !
Poésie et temps (Dichtung und Zeit). Poésie et géographie. Poésie et météorologie. Nous l’avons relevé souvent, et notamment dans Par les fossés et les haies, sous-titré « Paysages et saisons », qu’un des grands attraits de l’œuvre poétique d’Emile Storck est son évocation précise, détaillée, du temps des saisons (Jahreszeiten). Que les saisons ne sont plus ce qu’elles étaient et que les rythmes du temps se trouvent bouleversés, nous en avons conscience, qu’il peut y avoir des journées fraîches et pluvieuses en été, « malgré » le réchauffement climatique qui est une réalité que nous serions irresponsables d’oublier, nous en avons l’expérience quotidienne. Mais comme rien ne se passe « à la régulière », selon des lois simples, il arrive que tel poème de saison, écrit dans les années 1950, colle, corresponde exactement au temps que nous vivons en ce moment en 2024. C’est le cas de Nasser Juni (extrait de Melodie uf der Panfleet, 1957). Les deux premières strophes :
 
Der Kückück hat sich in der Wald verzoge,
mer heert ne witlands un nur zitewis.
Vu drowe kummt si Riefe wie verfloge
un fangt sich in de Äscht wu zruckgeboge
sich schittle in der starke kiehle Bris
 
un anenander ihrni Riser wetze
un fàge mit em nasse Bletterwàrk,
dass grossi Glitzertropfe awespretze
un klàtsche uf em Lauib un d’ Greeser netze,
dass wie n’e Rüsche schüdert iwrem Bàrg.
 
Juin humide
 
Le coucou s’est retiré dans les bois,
on ne l’entend plus que de loin et par intermittence.
De là-haut son appel nous parvient comme volatilisé,
comme égaré au milieu des branches qui recourbées
se secouent dans la forte et fraîche brise,
 
frottant leurs rameaux les uns contre les autres
et les balayant de leur frondaison mouillée
de sorte qu’en tombent de grosses gouttes scintillantes
qui tambourinent sur les feuilles et trempent les herbes :
cela fait comme un frisson qui parcourt la montagne.
 
C’est un de ses poèmes caractéristiques, par le thème et la perfection de la forme. La construction des phrases et des strophes montre une maîtrise rare, inégalée. On ne trouvera des équivalents que chez quelques poètes s’exprimant dans la langue littéraire allemande, dont la syntaxe est travaillée, réfléchie, mûrie, mais non en dialecte, langue populaire du quotidien. Pour Storck, je dirais que ce sont moins des modèles dans la poésie allemande qui ont pu l’influencer, le stimuler, que le modèle français des Parnassiens et de Baudelaire. Un Alsacien comme lui était perméable aux deux littératures. On aura remarqué que sur huit vers décasyllabiques, du 3 au 10, chevauchant deux strophes, s’étend, articulée en souplesse, une seule phrase. Le poète-traducteur Albert Strickler a reproduit d’un souffle puissant la dynamique de cette phrase complexe (mais pas compliquée), qui offre un mélange de sensations diverses, sonores (l’appel du coucou, le tambourinement des gouttes), tactiles (forte et fraîche brise, frondaison mouillée) et visuelles (branches recourbées, rameaux frottés, gouttes scintillantes). Du grand art, de l’auteur - et du traducteur. On pourra lire ou relire le poème complet (ses quatre strophes) sous Œuvres poétiques et traductions.
(Je me suis avisé un peu tard que j’avais déjà cité Nasser Juni, mais les deux dernières strophes, dans l’éditorial du 30 juin 2023, mais par contraste avec le temps sec et ensoleillé que nous avions alors durant plus d’un mois ! Comme quoi, la tête, la mémoire, le temps !
Un deuxième texte de souvenirs en hommage à Albert Strickler (1955-2023), poète et traducteur, est à lire également ici à gauche sous Œuvres poétiques et traductions. On y trouvera notre premier hommage : Albert Strickler, Sesenheim, Albrecht Haushofer. Il est né et a grandi à Sesenheim, ce village du Ried où Goethe est passé, a été aimé et n’est pas resté. De la prison de Moabit où il a été enfermé comme complice, après l’échec de la tentative de putsch contre Hitler le 20 juillet 1944, Albrecht Haushofer a consacré un de ses 80 sonnets à Sesenheim assailli par la Wehrmacht le 19 janvier 1945 : « Im Sturm genommen… Sensenheim… Das Glück / Hat keine Dauer. Nächtlich glüht am Rhein, / Im Spiegel strömend, roter Feuerschein… »
L’immense Journal du Tourneciel, qu’Albert Strickler a tenu et publié de 2008 à 2022, raconte de biais et pour partie la vie et l’histoire de la poésie alsacienne, dialectale et française. Maintes fois au printemps, il a salué Emile Storck, poète du merle, comme lui, merle-poète, et il a tracé les étapes du projet collectif de traduction qui aboutira en 2012 à l’édition de Par les fossés et les haies, chez Arfuyen. Qui aujourd’hui serait capable de reprendre et de continuer ce travail de traduction ? Je ne vois personne.
 
Hirondelle / Schwalwele
Dans la promotion 2024 des Friehjohrsschwälmele, notre secrétaire Daniel Haering, féru de dialecte alsacien et d’histoire, Sproch-un Gschichtpflajer, a été distingué. Félicitations ! Mer gràtüliere ! La cérémonie s’est déroulée le samedi 23 mars à La Wantzenau. Géniale idée d’Alsace que ces Schwalwele et les rencontres poétiques qui vo(le)nt avec, E Friehjohr fir unseri Sproch, depuis 22 ans (initiateur Bernard Deck, directeur de l’Ami-Hebdo (héritier du journal Der Volksfreund, lancé en 1858  par l’abbé Braun à Guebwiller !).
Un beau symbole. Mais rien qu’un symbole ? On se dit, Aristote (384-322) le disait : « Une hirondelle ne fait pas le printemps, non plus qu’une seule journée de soleil ; de même ce n’est ni un seul jour ni un court intervalle de temps qui font la prospérité et le bonheur ».
Cependant, « le temps est un bon auxiliaire ».
Les hirondelles portent bonheur. Mais sachons qu’un couple a de grands besoins pour sa progéniture. Il attrape 7000 insectes par jour.
 
Dépôt des archives à la Bibliothèque des Dominicains de Colmar
Heureuses nouvelles. Le président d’honneur du Cercle, Dr Daniel Storck, neveu d’Emile Storck, a signé en représentant des héritiers une Convention avec la Ville de Colmar pour la Bibliothèque des Dominicains. Au terme d’un long travail de recherche, de classement et d’inventaire, il a rassemblé un importants fonds de documents. Outre les exemplaires originaux des œuvres littéraires d’Emile Storck, ce fonds comprend des recueils d’articles, des dossiers de presse et des ouvrages qui lui ont été consacrés. Aussi des ouvrages de sa bibliothèque personnelle, annotés par lui, et une correspondance d’environ 63 lettres échangées avec des collègues, des auteurs d’Alsace, aussi du Pays de Bade, des lecteurs, des directeurs de théâtre (surtout Mulhouse), des jurys, le directeur de Radio Strasbourg, des historiens.
Ce fonds de lettres, encore à compléter, est particulièrement précieux. Aucune étude ultérieure, aucune biographie ne pourra être composée sans la connaissance de ces données maintenant déposées et accessibles au public (concrètement à des chercheurs, des historiens, des professeurs et des étudiants de lettres et en dialectologie).
La situation présente ne semble pas favorable à des Humanités d’Alsace. Mais principe d’espérance : viendront des jours où les lettres et l’histoire de l’Alsace seront enseignées dans les écoles à différents niveaux.
 
Un rosier (E Rosestock) pour Nathan Katz
L’idée a jailli devant la tombe de Nathan Katz, le 13 janvier, d’y planter un rosier. Jean-Louis Spieser, le traducteur d’Annele Balthasar et de Galgenstüblein, avait déterré des archives de la BNUS un poème émouvant et étonnant, Mi Grab !, daté de mai 1913. Le poète, né le 24 décembre 1892, avait vingt ans! Ich winsch kä Stei üs Granit / wenn ich im Grab tüe rüehje ; / ich winsch m’r nur ass üf’m Grab / a Rosestock tüet Bliehje.
Un comité d’amis se créa, sous la direction de Claude Diringer. Des mécènes s’annoncèrent. On fit le choix d’un rosier Simone Veil. La plantation eut lieu samedi le 11 mai, en présence d’une vingtaine de personnes. A voir, avec des photos, dans D’Heimet, n° 253.
Et ici sous Nathan Katz lire s Gedicht Mi Grab, sa présentation par Jean-Louis Spieser, sa traduction par Daniel Muringer et le compte rendu dans l’Alterpresse 68 de la cérémonie du 13 janvier 2024.
 
Emile Storck et  Raymond Buchert, au CCA, Strasbourg
Le 22 juin, à 14h 30, séance poésie alsacienne, organisée dans ses locaux (5 Boulevard de la Victoire) par le Centre Culturel Alsacien, animée par Armand Peter et Jean-Paul Sorg.
Aspects de l’art poétique en Alsace, années 1960. Raymond Buchert (1893-1968), strasbourgeois, est entré en correspondance avec Emile Storck, après leur unique rencontre à Radio Strasbourg. Emile Storck lui avait donné un exemplaire de Melodie uf der Panfleet (1957). Admiration. Echanges de recueils et de lettres. Considérations de plus en plus désenchantées sur leur condition littéraire, leur solitude, leur inquiétude quant à l’avenir du dialecte. Adrien Finck voyait en eux deux classiques qui avaient porté l’alsacien à un haut degré de perfection formelle et l’avait fortifié par des traductions de Baudelaire et de Verlaine. Armand Peter avait eu l’occasion de publier Setzli üs mim Ländel en 2001, dans une collection prometteuse Humanités d’Alsace qui avait commencé en 1999 avec Emile Storck, Baudelaire et Verlaine en alsacien, et s’arrêta là.
Lire sous Lettres  8 Echanges avec Raymond Buchert
Lire sous Strasbourg  Raymond Buchert, poète et intellectuel malheureux
 
Alfred Kastler, à la Journée européenne du Patrimoine le 21 septembre à Guebwiller
Il est né à Guebwiller le 3 mai 1902, dans un long bâtiment perpendiculaire au presbytère du Temple protestant, au fond de la cour. Aujourd’hui le Foyer protestant, au 1 rue des Chanoines. Une plaque commémorative en fait souvenir. C’est devant cette plaque, à 14h 30, le samedi 21 septembre, qu’un public intéressé se regroupera, avant d’être accueilli dans la salle du Foyer pour entendre une causerie sur la vie et les œuvres d’Alfred Kastler (prix Nobel de physique 1966) et des lectures d’extraits significatifs d’Europe ma patrie, Deutsche Lieder eines französischen Europäers, un recueil qu’il a publié à Paris en 1971. Traduction en français par Jean-Paul Sorg et discussions. La paroisse protestante de Guebwiller (pasteur Roland Kauffmann) et le Cercle Emile Storck se sont associés pour la circonstance. Verre de l’amitié à la fin vers 16h.
Alfred Kastler est décédé le 7 janvier 1984 à Bandol. Nous sommes donc en 2024 dans la 40e année de son décès. Le Lycée polyvalent de Guebwiller porte son nom. On a pu dire de lui qu’« il alliait à la simplicité des grands savants la sagacité vigilante des intellectuels et la générosité des hommes de cœur ».
Ressources (documents) : Lire ici sous Alfred Kastler Chronologie et bibliographie, Poésie en marge, et Son destin lu à travers ses poésies.
 
Emile Baas, philosophe
Mémoire de Guebwiller. Souvenons-nous de lui ici : il est né à Guebwiller le 4 mars 1906, dans une famille ouvrière catholique, et décédé le 14 juin à Strasbourg,  il y a 40 ans donc comme Alfred Kastler. Agrégé de philosophie en 1937, professeur au Lycée Kleber de Strasbourg, il fut un intellectuel chrétien social engagé qui était entré dans la Résistance. Pendant la guerre, de 1940 à 1944, exilé volontaire, il avait enseigné au lycée de Rodez,
Auteur d’essais importants, qui ont marqué leur temps : Situation de l’Alsace, 1ère édition en 1946 chez Alsatia, 2e édition augmentée d’une postface, 1943-1973, « Un essai de bilan » - Introduction critique au marxisme ; perspectives marxistes, perspectives chrétiennes, 1953. L’historien François Igersheim, avec la collaboration de Geneviève Baas, a publié Les Carrefours de Tilleuls, Jeune Alsace résistante, suivi de textes qui étaient restés inédits d’Emile Baas : Notre aveugle avant-guerre et Lettres à Materne. Une rue porte son nom à Strasbourg. Un prochain jour, peut-être, une rue à Guebwiller ?
Ressources : Lire ici Exilés volontaires et résistants. Le cas d’Emile Baas. Ce texte de Jean-Paul Sorg a paru dans Frontières et Hospitalités, Questions alsaciennes, sous la direction de Dominique Rosenblatt et Gérard Schaffhauser, collection Stockbrunna, 2022, Guebwiller et Lautenbach.
 
Organisation, situation
Après un long temps de suspension de nos activités et d’une assemblée générale (causes : maladie, usure, travail prioritaire de dépôt d’un fonds Emile Storck), une réunion du Comité est prévue en novembre. En jeu, l’avenir du Cercle et de son site. Sous Association Statut, voyez les bulletins d’adhésion ou de renouvellement. Merci de votre soutien.