Par les fossés et les
haies, édition 2013, 16 erreurs (coquilles et contresens) corrigées. Cf.
fichier pdf ci-dessous:
Traductions
11 poèmes de Baudelaire et de 10 de
Verlaine
dans Baudelaire
et Verlaine en alsacien
Et deux traductions inédites
Baudelaire : Le guignon / Pech /
Pach
Verlaine : En sourdine / Im
Halbdunkel
Nous les avons relevées, écrites au
crayon, sans ratures ou presque, de la main d’Emile Storck, dans deux livres
qui faisaient partie de sa bibliothèque. Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal, classique Garnier,
Paris, 1927. Paul Verlaine, Choix de
poésies, Bibliothèque-Charpentier, Paris, 1927.
Ces deux traductions que l’on peut
découvrir ici, avec des commentaires critiques, complètent l’ouvrage que nous
avons publié en 1999, 172 pages, dans l’éphémère collection Humanités d’Alsace,
chez bf, une édition épuisée, dont il ne reste aucune trace. C’était encore au
siècle dernier, année du centenaire d’Emile Storck. L’électronique n’était pas
encore banalisée. Le tapuscrit a été égaré. Il n’y a rien à faire. C’était il y
a même pas un quart de siècle. Depuis, les choses, les techniques, notamment
dans l’imprimerie, ont évolué très vite. Nous vivons dans un autre monde. Comment
conserver l’héritage de l’ancien ? L’humanisme, dont la tâche historique
essentielle est de conserver et de transmettre les « humanités », est
en péril.
Nasser Juni
Der Kückück hat
sich in der Wald verzoge,
mer heert ne
witlands un nur zitewis.
Vu drowe kummt si
Riefe wie verfloge
un fangt sich in
de Äscht wu zruckgeboge
sich schittle in
der starke kiehle Bris
un anenander
ihrni Riser wetze
un fàge mit em
nasse Bletterwàrk,
dass grossi
Glitzertropfe awespretze
un klàtsche uf em
Lauib un d’ Greeser netze,
dass wie n’e
Rüsche schüdert iwrem Bàrg.
Schneewàhje vu
Akazieblüescht verdecke
mit
Lieweherrgottsteppig d’ Wasserwàg,
un d’ wiss un
gàle Gàisblettblüeme schmecke
mit schwàre
Parfümwulke in de Hecke
wie wenn scho
d’Nacht un ‘s Dunkle driwer làg.
Un ‘s Buschwàrk fangt a flamme un a zinde,
E Sunnestrahl
geht durch der Wald im Putz.
Scho dunklet’s
wider in de Bàrge hinte,
e schwàri Wulk
kummt schnàll mit grauie Binde,
un in de Bletter
rüscht der Ràgeschutz.
(Melodie uf
der Panfleet, Heimet)
Juin humide
Le coucou s’est retiré dans les bois,
on ne l’entend plus que de loin et par intermittence.
De là-haut son appel nous parvient comme volatilisé,
comme égaré au milieu des branches qui recourbées
se secouent dans la forte et fraîche brise,
frottant leurs rameaux les uns contre les autres
et les balayant de leur frondaison mouillée
de sorte qu’en tombent de grosses gouttes scintillantes
qui tambourinent sur les feuilles et trempent les
herbes :
cela fait comme un frisson qui parcourt la montagne.
Par bourrasques neigeuses la floraison des acacias
a couvert d’un dais les cours d’eau
et les fleurs du chèvrefeuille, blanches et jaunes, répandent
leurs lourds nuages de parfum sur les haies
comme si elles s’enfonçaient déjà dans les ténèbres de la
nuit.
Les massifs de buissons s’embrasent et brillent encore,
quand un rayon de soleil passe à travers la forêt lavée.
Mais déjà l’obscurité revient sur les montagnes à l’arrière,
un lourd nuage bordé de gris avance rapidement
et une ondée s’abat sur le feuillage qui bruisse.
(traduction Albert Strickler)
Albert Strickler (1955-2023), poète et traducteur
Il est né et a grandi à Sesenheim, ce
village du Ried où Goethe est passé, a été aimé et n’est pas resté. De la
prison de Moabit où il a été enfermé comme complice, après l’échec de la
tentative de putsch contre Hitler le 20 juillet 1944, Albrecht Haushofer a
consacré un de ses 80 sonnets à Sesenheim assailli par la Wehrmacht le 19
janvier 1945 : « Im Sturm
genommen… Sensenheim… Das Glück / Hat keine Dauer. Nächtlich glüht
am Rhein, / Im Spiegel strömend, roter Feuerschein… »
L’immense Journal du Tourneciel, qu’Albert Strickler a tenu et publié de 2008
à 2022, raconte de biais et pour partie la vie et l’histoire de la poésie
alsacienne, dialectale et française. Maintes fois au printemps, il a salué
Emile Storck, poète du merle, comme lui, merle-poète, et il a tracé les étapes
du projet collectif de traduction qui aboutira en 2012 à l’édition de Par les fossés et les haies, chez
Arfuyen. Qui aujourd’hui serait capable de reprendre et de continuer ce travail
de traduction ? Je ne vois personne.